COMMUNICATIONS D'ESPACES
Mercredi 21 avril 2021
C'était avant - Chapitre 1
Une histoire de camion et de transcendantal
Depuis plusieurs années, je saoule beaucoup d'entre vous avec mes
envies de camion. Un van, un fourgon,un camelard, un bahut,
un chariot, un truc qui roule, aménagé, pour vivre nomade.
L’image vire, tourne, recule, tombe en panne, redémarre,
je n’ai pas encore le camion que j’en ai déjà tous les symptômes.
Est-ce juste une lubie, pré ou post virus, de bobo-parisienne ? ou une rêverie compensatoire de mes besoins de voyages ? un truc de gamine frimeuse, « moi, quand je serai grande, j’aurai un camion ! », devenue adulte et en manque de liberté ?
Et, d’ailleurs, pourquoi pas ? Mais c’est un peu plus que ça.
Quelque chose de l’itinérance me touche, depuis toujours. Voyage intérieur ou extérieur. Instabilité et adaptation permanente au nouveau. Cette manière d’aller n’est ni utile, comme le sont par exemple les voyages pour mon travail ou des missions humanistes, ni touristique. Elle n'a d'objet qu'elle-même, et je perçois parfois ses regards particuliers sur le monde dans les lectures de Kerouac, du Pèlerin Russe, d’Alexandra David-Neel, ou de Théodore Monod (1), pour ne citer qu’eux.
Bon, mais il est vrai que ces gens-là allaient à pieds …
Du coup, moi, ce serait plutôt avec quatre roues.
Et puis, en juillet 2017, une nouvelle intuition s’est invitée à la fête, pendant une retraite au Parc d’Etude et de Réflexion La Belle Idée (2). A cette époque, je m'étais improvisée régisseuse pour la production d’un CD des compositions de Florent Delaunay, inspirées du Message de Silo, « News of the inner world » (3). Et j’avais dans l’idée de créer des ateliers, mêlant musique, méditation et expérience intérieure. L’envie que ces ateliers soient itinérants a surgi suite à lecture d’une charla, une causerie informelle, du penseur argentin Silo (4), sur, entre autre, la délicieuse idée de, tenez-vous bien, l’irruption du plan transcendantal dans la vie quotidienne.
Rien que ça !
En effet, cette charla datant de janvier 2000, évoque notre moment historique actuel, où il apparait que l’humanité a besoin que des expériences transcendantales fassent irruption dans le quotidien des êtres humains. Bon, ça mérite une peu de de contexte … En (très) résumé, ce que rappelle Silo, c’est que tout au long de son histoire, l’être humain a eu des expériences particulières qui lui ont permis de percevoir qu’au-delà de la réalité tangible, visible, externe, existe une autre réalité intangible, invisible, interne. Cette autre réalité permet de se mettre en contact avec un plan plus spirituel. Depuis ce plan, on peut percevoir de nouvelles significations sur le sens de la vie, la mort, la transcendance, thèmes qui se résolvent moins avec des théories qu’avec des Expériences. Et ces questions-là, ça me ravigotte les boyaux de la tête et du cœur depuis bien longtemps !
Silo précise alors que ces expériences et leurs traductions ont surgi dans des conditions psychosociales où les sociétés traversaient un processus accéléré de déstructuration, et qu'elles ont été les bases des croyances spirituelles des civilisations. Mais finalement centralisées (pour ne pas dire kidnappées) par les superstructures religieuses et leurs quincailleries de hiérarchies, de dogmes et d'injonctions, les expériences intérieures si précieuses, si profondes, si justes, ont peu à peu été oubliées, au profit de croyances et de pratiques de plus en plus externes.
Lors de cette charla de janvier 2000, la déstructuration du monde et tous ses dommages destructeurs sont déjà bien avancés, et Silo affirme que « Nous avons besoin d'un récit ». Car ces expériences seules ne suffisent pas. Si elles «permettent de prévenir qu'il y a d'autres choses, il faut donc qu’elles soient accompagnées d'un récit en lien avec le transcendantal pour sortir de la conscience passive qui subit ces perturbations sans les diriger (prédisposant aux supercheries, à la conscience magique, aux bizarreries …) . Le récit transcendantal permet de passer à une conscience dirigée. » Il s’agit peut-être aujourd’hui de permettre que ces expériences ne soient plus confinées (ah ah ah ! ça, c'est moi qui le rajoute) à ces structures institutionnalisées (que ce soit à travers des églises, des entreprises, des groupements ...). Que chacun reconnaisse que l’accès au Profond (au Sacré, au plan transcendantal, au Divin, à Dieu, peu importe le nom …) lui est propre.
Peut-être, au fond, pour poser les bases d’une nouvelle civilisation ?
Ainsi, en cet été 2017, je me suis prise à rêver … La condition d’un monde déstructuré est incontestable. Nous pouvons alors créer de nouvelles opportunités – comme des ateliers de musique et méditation - pour expérimenter qu’une autre réalité existe, et que, par accumulation, soit possible l’irruption de l’expérience transcendantale dans le quotidien. Lorsque les actes sont mus par un dessein majeur, révélé à travers ces expériences, l’être humain peut se mettre en action non plus depuis les seuls désirs du moi, de l’ego, mais depuis ce dessein qui le dépasse. Les difficultés du moi ne sont alors moins vécues comme des empêchements, mais comme des indicateurs de la nécessité d’un changement profond, afin de transformer le moi-ego pour devenir cette œuvre d’art au service du dessein.
J’ai imaginé alors mettre à disposition des ateliers itinérants qui « prennent des nouvelles du monde interne », pour rencontrer des personnes qui nous parleraient de l’expérience de cet espace sacré. Que l’on raconte, que l’on étudie, que l’on partage … Et qu’allons-nous trouver ? L’itinérance m'a paru évidente. L’action de sa forme en mouvement m’évoquait simplement les semeurs qui ne récoltent rien de tangible pour eux-mêmes, si ce n’est l’accumulation de liens, de relations, d'échanges, de dons, et surtout d'expériences partagées qui, bien que demeurant dans l’intangible, sont autant de formidables
créatrices de réalités.
Mais en 2017, ce n’est pas le temps pour moi de mettre en marche ce projet.
J'ai deux ou trois choses encore à régler, à aligner, dans ma vie personnelle.
En avril 2021, un virus a accéléré la déstructuration du monde, et ma propre vie.
Le thème de la mort est dans nos quotidiens.
L’itinérance frappe à ma porte.
Cette fois, je suis prête.
Cependant, je n'aurais rien pu faire seule ...
1. « Sur la route » - Jack Kerouak
« Récit d’un pèlerin russe » - Anonyme
« Voyage d’une parisienne à Lhassa » - Alexandra David-Neel
« Tais-toi et marche » - Théodore Monod
2. https://www.parclabelleidee.fr/
3. https://fdelmusic.wixsite.com/florent-delaunay
4. Silo (Mario Rodriguez Cobos) penseur argentin et fondateur du Nouvel Humanisme