COMMUNICATIONS D'ESPACES
22 février 2022
PARADOXE IMMOBILE
Je suis nomade, en mouvement perpétuel depuis bientôt un an.
Routes, trains, cars, camion, maisons des amis, résidences pour mon
travail. Pourtant, c'est bien là que l'expérience de l'immobilité me rapte.
Notes sur mon carnet de voyages
Quelque chose du chat
immobile pour rien
pas pour réfléchir, penser, observer, ou faire le vide
pas pour faire une pratique de méditation, d'ascèse, d'assise,
ni même une Demande, ou , juste, un recentrage
pas pour se reposer, se détendre, ni se laisser aller,
ni même s’arrêter
Pas pour quelque chose, ce quelque chose, ce fameux aller vers, qui produirait une attente, un début, un milieu, une fin
Je suis assise par terre avec mon café, adossée au camion, sensation de masse solide et mouvante, et l’immobilité me prend, m’attrape, me rapte, me fige, me sidère
Longtemps, dans cette immobilisme, j’ai cru à une incapacité à, à n’importe quoi d’ailleurs.
Ce que me fait ce rapt, je ne veux pas le dire au risque d’en faire une production, et d’altérer sa substance propre du rien
et dire que je ne peux rien en dire, c’est déjà en dire un tout petit trop"
Alors il est vrai que les chats m'inspirent. En février, je suis revenue à Aix, dans la maison aux 13 chats, où l'atmosphère chatoyante influence étonnamment mon propre déplacement dans l'espace. Les seigneurs du lieu passent aisément de la posture quasi hiératique aux courses bondissantes sans but déclaré, de la nonchalance émancipée (et donc envahissante, des preuves en photos ici) à l’intérêt soudain pour leurs humains nourriciers. Et de cette alternance mobile/immobile, je retiens cet étirement du temps et de l'espace qui semble être un des secrets des chats. Secret peut-être partagé avec Marie-Edith - cela me fait penser à elle, voyageuse immobile - qui, dans son travail cartographique (vidéo ici), "arpente le monde en suivant les lignes de (ses) cartes routières". "Je suis ces fils symboliques qui maillent le territoire (…) Rien d’établi au préalable. Aucun objectif précis, seul la route et le voyage m’intéressent (…) Mes cartes dans leur sac de toile s’emportent et se posent, point d’ancrage là où l’on se trouve."
Mais happée, raptée par l'immobile, quelque chose du vide a émergé. Un rien de temps. Vide. Rien. Si peu (pas) de choses. Faire le vide semble, de toutes les façons, impossible. Le "vouloir faire" induisant quelque chose, ce quelque chose remplit immédiatement ce vide-là. Le vide surgit dans le non vouloir. Mais si je veux le non vouloir, est-ce que je ne remplis pas déjà ce vide ? ah ah ha ... Gaby, celle qui construit sa maison en bois (photos ici), me racontait son expérience du Wu wei, la voie de "l'agir sans agir".
Sans aucun doute, un des chemins à suivre dans ma recherche des voies de la contemplation.
Mes Guides du routard du vide et du rien ... (;
"L'entrée dans le profond chez Lao-Tseu" - Hugo Novotny - Parcs d'Etude et de Réflexion - Carcarana
"La experiencia de vacio y su relacion con dios" - Alejandra Salazar R. - Parcs d'Etude et de Réflexion - Montecillo
"Ce qui est sans être tout à fait - Essai sur le vide" - Étienne Klein - Ed. Actes Sud
Marie-Edith Robinne, voyageuse immobile
"Le vide central - Mythe chinois" dans "Mythes Racines" - Silo - Ed. Références
Ici, écoutez "Le vide central"
La déesse égyptienne Bastet/Sekhmet, adopte une apparence différente selon ses intentions : une chatte (Bastet) lorsqu’elle est associée à la chaleur du soleil, la fécondité et à la joie ; une lionne (Sekhmet) lorsqu’elle est associée à la puissance, la colère et aux ravages du soleil.