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Mardi 21 décembre 2021

 

Solstice, quand la Lumière revient

ou "et pourtant, elle tourne"

Je me suis réveillée ce matin avec la sensation du printemps. Dehors, le soleil,

la gelée, l'herbe et les conifères feuillus m'envoyaient une lueur de renouveau.

Paradoxe malicieux, alors que nous entrons dans l'hiver. Pourtant, chaque

année, j'attends ce jour, car si sa nuit est la plus longue de l'année, elle

annonce aussi le retour de la lumière.

Cela va faire bientôt 9 mois que j'expérimente la déstabilisation

quotidienne. L'adaptation permanente à un changement permanent. Ville,

village, campagne, maison, appartement, camion, spot de rêve, parking citadin,

chambre, canapé, matelas au sol, TER, TGV, distanciel, présentiel, et même des

réunions zoom depuis une salle de bains. Des étendues de mer, de lacs, de

montagnes, de vallées et des rues grouillantes d'humains et de véhicules.

Des commerces qui ferment entre 12 et 15h (et aussi à 19h et aussi le dimanche)

et des villes ouvertes 24h sur 24. Les interactions avec les amis qui m'accueillent

sont chaque fois différentes : ici, on vénère les chats ; là, on les tolère à peine. Ici, un appartement vide qui s'aménage ; là une maison cossue avec tout le confort. Ici, un espace avec plein de pièces, de terrasses, de jardins ; là un petit studio. Ici, on ne se couche pas avant 2 heures du matin ; là, les habitants s'endorment peu après le JT. Ici, on est tous vaccinés ; là, on ne l'est pas du tout. Ici, on boit du café ; là, plutôt des tisanes ...

Alors, le plus souvent, j'ai besoin d'un éclairage qui me permet de voir/sentir tout de suite la réalité de "l'autre", pour m'y adapter. Mais depuis où ? depuis des nécessités et des conditions externes, des codes, des habitudes de vie ? Depuis ce que j'imaginais avant d'arriver ? Depuis mes propres besoins, envies, désirs ? Combien d'erreurs d'apprentissage de cette vie nouvelle ai-je fait en quelques mois ! Dans mon petit carnet de route, de juillet à octobre, j'ai retrouvé des notes, posées souvent comme une urgence, qui saisissent et racontent le moment, son effluve, son message, pour ne pas l'oublier. Vivre dans mon Camion cet été m'a ré-appris à ralentir, observer, à prétendre le moins possible - de moi, des autres -, à reconnaitre l'endroit où se trouve la lumière, dehors, dedans, vraiment dedans, et apprendre à voir.

Voir que la lumière est toujours là, et que, comme la terre autour du soleil, c'est juste moi qui tourne.


 

 

 


 

 

 

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Voir ce qui se manifeste déjà mais qui n’existe pas tant que ça n’a pas été vu.

Qu’est-ce qui se manifeste aujourd’hui mais que je ne vois pas ?

Qu’est-ce qui se manifeste aujourd’hui et qui a besoin d’être vu pour exister ?

Chaque jour, une (petite) épreuve.

Les freins qui lâchent.

Fuite de gaz.

Pas de wifi.

Prendre des décisions chaque minute.

Trouver où dormir.

Trouver de quoi manger.

Trouver du carburant.

Tuer les moustiques.

Chaque péripétie liée au camion me renforce, m’oblige à un nouvel apprentissage. Il y a des contraintes, des décisions à prendre, des choix à faire, en permanence. C’est juste différent de la vie sédentaire. Mais ce n’est pas plus facile.

Attitudes camion : Rire de tout ! Ralentir pour tout. Être généreuse. Inconditionnellement.

Attitude camion : Ouh la la … faut que je range et que je fasse le ménage, y a de tout partout. 10 minutes plus tard … bon, ben, voilà, c’est fait !

Péripéties camion :

Arriver avec le camion chez des amis qui ont prévu que je dorme dedans … et pas moi ( ;

Décider de ne pas prendre la glacière, la laisser dans la cave d'Emma. Le regretter.

Ne pas arriver à me poser pour réfléchir, penser, écrire.

Arriver avec le camion chez des amis qui ont prévu que je dorme dans leur maison … et pas moi ( ;

La super mousse du matelas découpée sur mesure, un peu trop dure quand même.

Le camion m’oblige à dépasser mes propres limites. Il m’oblige à demander de l’aide. Il m’oblige à être dans le collectif. Il m’oblige à dépasser les limites du système. Sortir du connu. Se libérer du connu. C’est le camion parfait pour ça.

La Plaine - Marseille - Octobre 2021

Ces gestes que je ne fais plus : jeter le reste d’eau au fond de la casserole.

m’assoir sur mon lit et savoir que je suis à ma place dans le monde.

Ne plus savoir pourquoi j’ai voulu vivre dans un camion …

Et si pour voir, il fallait savoir contempler sans commenter

L’observateur modifie/fixe l’état de l’objet incertain lorsqu’il observe l’objet.

Contempler sans observer.

Je me sens dans une sécurité absolue quand je m'endors, et quand je me réveille au milieu de "je ne sais plus quoi, ni où".

La nuit, je dors avec les mouches.

Attitude camion : avoir un compagnon de 1m80, pliable, pour un lit à deux, de 1m10 x 1m75.

Il n’y a pas d’enjeu, pas de défi, pas de vouloir

Juste la liberté intérieure

indifférente à l'illusion du paysage

résolue dans l'ascension

Sur la route, on apprend vite. Les erreurs ne restent pas imprégnées.

Une autre expérience nouvelle remplace vite la précédente. Pas de ronchonage. Pas de place à l'inquiétude. Pas de panique. Je n’ai plus le luxe de la peur, puisque je suis seule. Rien qui ne soit inutile. Ce mode «(petite) survie » m'invite à l’essentiel.

L’incertitude propose le doute pour chercher en soi les réponses.

Contempler le monde

et boire du café.

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